Les rapports financiers destinés aux assurés sont trop complexes

L'Agefi 3 janvier 2019
L’obligation de publication à laquelle sont astreints les assureurs est un exercice à faible valeur ajoutée selon une enquête.

Les compagnies d’assurance en Suisse sont assujetties, pour la première fois depuis 2017, à l’obligation de publier (Public Disclosure) un rapport sur la situation financière destiné avant tout aux preneurs d’assurances. L’obligation de publication de ce rapport, conjointement avec l’évaluation prospective des risques et de la solvabilité ORSA, compte parmi les mesures que l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA) a exigé de la Suisse pour que la norme de solvabilité suisse SST obtienne l’équivalence de la norme européenne Solvency II. Outre les comptes annuels, des informations sur la gouvernance, sur les risques et sur la solvabilité doivent également être mises à disposition. 

Premier bilan

Quel premier bilan tirer de cette obligation de publication? Pour répondre à cette question, le cabinet d’audit et de conseil Mazars et le Centre sur le risque et l’assurance de l’Université des sciences appliquées de Zurich ZHAW ont réalisé une étude basée sur une enquête en ligne menée auprès de 52 représentants de compagnies d’assurance ainsi que sur une analyse des rapports de 54 compagnies d’assurance. Or les résultats obtenus montrent que ces rapports sur la situation financière ne reçoivent encore qu’un écho très restreint chez les preneurs d’assurance et que très peu d’entre eux ont eu connaissance de l’existence de tels rapports. Du point de vue des assureurs, le poids des coûts de cette mesure est perçu comme supérieur ou très supérieur à ses bénéfices pour près de trois quarts (74.5%) des répondants. En clair: l’obligation de publication est considérée comme un exercice imposé à faible valeur ajoutée. «Peu de sociétés publient, dans leurs rapports de gestion, tous les détails requis par la circulaire de la Finma pour la publication de ce rapport sur la situation financière car ils n’y sont pas obligés. C’est par conséquent, à cette occasion, la première fois que bon nombre de compagnies ont dû publier leurs ratios de solvabilité SST», relève à cet égard Angelo Accardi, directeur au sein du département Assurances chez Mazars Suisse.

Rares téléchargements

À l’aune des téléchargements effectués, les preneurs d’assurance n’ont jusqu’à présent que rarement eu recours aux informations supplémentaires mises à leur disposition. Un bon tiers des assureurs sondés (34,6%) fait état en effet de zéro à dix téléchargements et une part de 11,5% seulement de plus de 40 téléchargements. Etant attendu que plus de 40% des sondés n’ont pas répondu à cette question. 

Retour de la Finma

La moitié des assureurs interrogés ont reçu un retour de la Finma avec des critiques et des propositions d’amélioration pour le prochain rapport sur la situation financière. Mais seuls 5,8% des participants précisent avoir été appelés à améliorer certaines parties du rapport, alors que 17,3% n’ont fait aucun commentaire concernant les retours de la Finma. Et à fin septembre 2018, 44,4% des assureurs-maladie n’avaient encore reçu aucun retour de la Finma. Ainsi que l’illustre l’infographie ci-dessus, lorsqu’ils sont interrogés sur les améliorations qu’ils attendent de la Finma, plus de la moitié des participants (46,2%) préconisent une orientation de ce rapport plus orientée vers la pratique. Cette réponse est particulièrement fréquente chez les assureurs protection juridique et parmi les plus petites compagnies d’assurance. À part quelques retours positifs sur l’obligation de publication, la majorité des assureurs se montre plutôt critique. Certains demandent une simplification et une réduction des exigences ainsi que la mise en place de dispositions dérogatoires plus souples (par exemple pour les succursales et pour les petits assureurs). S’agissant des exigences de la Finma, quelques assureurs proposent de les uniformiser et de les réduire. En effet, le rapport sur la situation financière est conçu de manière très technique et se trouve par conséquent peu lu et compris par le grand public et les preneurs d’assurances. De ce fait, les compagnies interrogées ne perçoivent pas le rapport comme un moyen de marketing et de communication.

«Le rapport est trop complexe pour avoir une vraie utilité pour les assurés. Pourtant, la comparaison des indicateurs publiés pourrait être utile et intéressante pour les preneurs d’assurance si les rapports étaient simplifiés. Ils ne sont pas utiles non plus aux clients des réassureurs car ces derniers font l’objet de ratings, déterminants pour le marché, des agences de notation» commente encore Angelo Accardi.

Près de la moitié des compagnies d’assurances interrogées ont en outre indiqué qu’elles avaient divulgué leur situation financière pour la première fois à l’occasion de ce rapport, bien que la majorité des entreprises aient déjà publié un rapport d’activité au cours des années précédentes. 

Défi majeur du calendrier

Les principaux défis évoqués quant à la rédaction de ce rapport sont le calendrier, la disponibilité des ressources humaines et l’interprétation des dispositions réglementaires. S’agissant du calendrier relatif à la publication du rapport, celui-ci doit être publié au plus tard fin avril sur le site de la compagnie d’assurances. À cette date, la compagnie doit également avoir transmis à la Finma le rapport du réviseur. «Ce point constitue un problème majeur car les compagnies d’assurance clôturent généralement leurs comptes en janvier ou en février. C’est ensuite à la révision des comptes de faire son oeuvre en mars-avril. La publication des rapports sur la situation financière dépend par conséquent étroitement des autres rapports ainsi que de la révision des comptes. D’autant que ces rapports doivent être approuvés par le conseil d’administration, ce qui implique une réunion de celui-ci avant fin avril. À l’aune de l’expérience faite l’année dernière, les sociétés d’assurance vont sans doute adapter leur calendrier pour avancer la période d’audit» précise encore Angelo Accardi. Du point de vue des marchés financiers, la standardisation des informations publiées est considérée en revanche comme positive. Les rapports facilitent les comparaisons entre concurrents, pour plus de la moitié des sociétés interrogées (55,8%), ce qui contribue à renforcer la discipline de marché.